Critique : « You were never really here » ou l’imposture de la presse aux faux airs de classiques

Joe est un ancien Marine devenu tueur à gages. Après une visite inattendue lors de ses « petites affaires », il décide d’en arrêter là niveau business. Malheureusement, rien est fini pour lui, puisqu’il est engagé pour un dernier job : retrouver Nina, la fillette d’un Sénateur. Il va très vite se retrouver malgré lui dans une spirale de violence face à cette injustice.

Après des promotions jouant sur les flatteries, certaines critiques compareraient A Beautiflul day (ou You were never really here, on ignore pourquoi changer le titre en français, s’il reste finalement en anglais) à un croisement entre Taxi Driver de Scorsese et Drive de Nicolas Winding Refn. Ayant aimé ces deux films, je suis tombée dans le panneau, avec une très grande hâte de voir ce film.

Il est vrai qu’il y a des ressemblances avec Taxi Driver, surtout dans la base scénaristique. Suffit de lire le synopsis pour comprendre… Mais est-ce que cela suffit à le comparer à un tel film ?

Pour faire simple, Taxi Driver reporte la vie de Travis, habitant à New York dans les années 70. Pavanant la nuit en voiture sous la grande musique de Bernard Hermann, à la recherche d’un sens dans sa vie de solitaire.

Quant à Drive, il y a en effet des scènes de vagabondages la nuit, un marteau, et quelques scènes de violences en plan d’ensemble ou plan Américain, pas de plus près. Aussi peu de dialogues. Mais de là à s’affoler pour autant de similarités ? C’est beaucoup vendre pour pas grand-chose.

A noter que ce film est pourtant primé du meilleur scénario par le festival de Cannes, fini ex-aequo avec Mise à Mort du Cerf sacré de Yorgos Lanthimos (mon précédent article, dites-donc la coïncidence !)

Les références ne se ferment pas seulement à de tels films, mais également Old Boy de Park Chan-Wook,

où on lâche un homme furieux prêt à buter tout le monde sur son passage. Est-ce que ça le sauvera ? On l’ignore. Pour les amateurs de films à vengeance, il y a bien de quoi s’y intéresser de plus près !

Malgré une base assez facile /aka vétéran ayant pour seule réinsertion de tuer des gens/, le personnage principal, Joe, a une histoire qui m’interpelle. De toute manière on a tous un faible pour les anti-héros, non ? Malheureusement, son histoire n’est que suggérée par le biais de flash-back, des absences de sa part, assez violents, mais pas soudains. Malgré le fait que le film soit placé sous son point de vue, son histoire est un puzzle à finir, des pièces un peu éparpillées, perdues en route puis retrouvées.

Peut-être que le format de la durée y est pour quelque chose : 1h30 aujourd’hui est un format assez court pour un thriller pourtant intriguant. Ce qui est paradoxal puisque le temps m’a paru assez long… Il mériterait peut-être d’être un poil plus modernisé, restaurant alors un Taxi Driver des années 2010-20 ?

Pour en revenir à Joe et de ses flash-back, on sent des traumatismes par rapport à son père alcoolique et violent, rien de plus original, un fort lien avec sa mère, des passages d’anciens meurtres à son époque chez les marines…On a le temps tout de même de s’attacher à ce personnage, fragilisé par ses pics de suicides, sa perpétuelle envie d’un risque, de se rapprocher de sa mort puisque son existence baigne dans ça. Cela ramène une certaine réalité, assez… pessimiste, mais pourtant humaine, c’est-à-dire entière.

Contrairement à certains articles tel que « Le Monde » qui se mordent les doigts à l’idée du prix de l’interprétation masculine à Cannes, l’interprétation de Joaquin, au regard mélancolique et statut de marginal, reste à défendre. Avouons-le, son interprétation reste le pilier de ce film : Une transformation physique, une masse corporelle amochée, sa barbe mal taillée et une gestuelle simple, et qui fait sursauter quelques fois.

Même si on a pu voir cela des centaines de fois dans le cinéma, surtout dans les traumatismes post-guerres, interpréter un mal-être omniprésent n’est pas une mince affaire à montrer. La pulsion peut se montrer via les addictions, mais est-ce que l’on montre vraiment les pulsions suicidaires au cinéma ?

Il y a une mise en scène axée sur le corps et l’action, puisque les dialogues sont assez pauvres. Quelques fois, limiter n’est pas forcément un point négatif. A travers des dialogues ou des paroles, on comprend cette complicité entre sa mère et lui. Etant plus rare, les dialogues deviennent plus signifiants.

D’ailleurs le Climax est clairement montré, puisque, après l’effraction des ennemis chez lui et un léger drame, sans vouloir trop vous spolier, Joe prend enfin une décision, toujours un peu à la dernière minute, instinctif, afin de reprendre vie, avec un but précis : Après la mort d’un proche, il y a une renaissance, une envie d’une dévotion face à cette petite fille, aussi traumatisée par les envies tordues des hommes politiques. Par cette ressemblance entre Joe et Nina, un lien se crée entre eux, le lien des traumatismes d’enfance. Nina vit actuellement ces traumatismes alors que Joe est hanté par ses traumatismes.

Ce film, que j’attendais depuis un moment, m’a déçue. On voit bien qu’ici, les médias ont bien vendu leur produit, à travers les trailers suggérés comme violent, à la musique électro, aux faux airs de Drive.. Des comparaisons avec des films phares, pourtant il n’arrive malheureusement pas à la cheville de ceux-ci.

Le personnage interprété par Joaquin Phoenix était quand même mon point fort de ce film, ainsi que la musique de Johnny Greenwood, bien difficile à trouver !

Je reste tout de même curieuse de regarder d’autres films réalisés par Lynne Ramsay, (Ah, une réalisatrice ! oui mon côté féministe ressort) comme We need to talk about Kevin.

Une déception certes, mais une découverte !

M.B

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