Critique | Land of the Dead !

Fait rare (unique ?) dans l’histoire du cinéma, deux films de morts-vivants sont sortis à moins d’un mois d’écart. A l’affiche retrouvons-nous
ainsi Shaun of the Dead et Land of the Dead, deux films qui n’ont finalement que le titre de fort semblable, et témoignent à eux seuls de la grande
diversité qui s’est emparé du genre très récemment. Et en effet, dans ce qui semble être la résurgence d’un genre oublié et snobé, les films sont des plus diverses autant dans leurs
moyens de productions que dans leurs esthétiques que dans leurs idées (cf. critique Undead).

Reste que cet été 2005 a également fait date car il signe le grand retour de George A. Romero, fondateur exclusif du film de zombie avec sa
Nuit des Mort-Vivants qui, depuis les 37 ans qui nous sépare de sa réalisation, a beaucoup fait parler d’elle, et a influencé bon nombre de réalisateurs à l’origine de la
nouvelle vague du genre. Tout ceci faisait donc de Land of the Dead un film très attendu. Et le résultat, dans une première partie, tient réellement ses promesses, et ce
parce qu’au niveau scénaristique, Romero s’est posé les bonnes questions sur la manière dont il voulait voir évoluer son genre.

Alors que la quasi-totalité des films de mort-vivants récemment sortis conte l’essor soudain, pour des raisons explicités ou non, d’une masse impressionnante
d’anthropophages sans cerveau tenant de plus en plus les vivants en état de siège, le réalisateur américain renverse ces valeurs en jouant plus la carte de la science-fiction que celle du
fantastique. En effet, Land of the Dead ouvre sur un monde où, de fait, les morts-vivants peuplent la planète (ce sont d’ailleurs les premières images du film) et dans lequel les
vivants survivent dans des villes fortifiées.

Mais certains ont la survie plus aisée que d’autre, résidant dans de splendides tours modernes et surprotégées des agressions du monde extérieur,
non pas celles des morts vivants, mais bien celles des gens qui peuplent les ghettos environnants. Et c’est sur ce point que Land of the Dead se rapproche le plus d’un
film de science-fiction, c’est qu’il calque le fonctionnement de cette nouvelle société sur l’archétype « haute société / armée / Tiers-Etat » propre à de nombreux films et romans
d’anticipation.

La présentation de ce système constitue alors le premier tiers du film, ce qui est finalement assez long. Certes, tout est montré de façon très didactique :
on voit comment les morts-vivants sont tués, on voit comment les vivants survivent, on voit comment la ville est structurée … Mais finalement le spectateur pourra éprouver quelques peines
à entrer dans l’histoire tant aucune trame narrative ne se dévoile franchement qu’après 30 minutes de film.

Reste que Romero a privilégié un rythme soutenu pour ce film. Et ainsi, sommes-nous emportés tant bien que mal dans ce film à la
réalisation nerveuse et à la musique continuellement présente et angoissante. On se dit alors qu’une fois le récit véritablement lancé, le film pourrait se révéler d’un grand intérêt. On
se prépare même à ce que notre mémoire en soit marquée …

Et puis finalement … l’intrigue est très classique : une sorte d’agent, s’étant mutiné, rançonne le maître de la ville sous la menace de nombreuses rockets
pointées sur la plus haute tour de la ville, celle où se réfugie d’ailleurs les plus riches. Ce même maître engagera alors l’ancien supérieur du malfrat et lui demande de mettre ce
dernier aux arrêts avant minuit, heure de la fin de l’ultimatum.

Nous sommes donc en présence d’un scénario privilégiant les gunfights et autres boucheries, et au moins, Romero fait dans ce qu’il sait
faire de mieux. Et outre la réalisation et la musique, il également à noter que a photographie parvient à retenir l’attention. Favorisant de nombreux éclairages à la torche, celle-ci fait
la part belle aux larges zones d’ombre d’où n’importe quoi peut surgir… Et pour faire sursauter les gens, Land of the Dead est assez fort car c’est à ce moment où
réalisation, photographie et musique se conjugue le mieux. Mais à force d’exploiter le filon, l’effet ne fonctionne plus franchement en fin de film.

En tout cas, ceux qui sont venus pour voir du zombie en ont pour leur argent ! Mais il est regrettable que le film n’étudie pas plus en profondeur
les très bonnes idées qu’il a pourtant exposé. En effet, la principale idée fraîche qui est clairement revendiquée sur les affiches et dans les bandes annonces, c’est que les zombies
évoluent vers une certaine intelligence. Mais cette évolution est vraiment représentée en filigrane. Une partie du récit consiste effectivement à présenter l’évolution d’un mort-vivant
« surdoué » qui parvient peu à peu à communiquer avec ces semblables, puis à se servir de différents outils dans le but de conquérir la ville. C’est une nouvelle ethnie qui s’éveille
a
lors, mais quant à savoir comment elle s’organise et ce qu’elle vise, aucune réponse ne sera donnée. Dommage …

Reste que les morts-vivants sont représentés avec beaucoup d’humanité et on est vraiment loin des sacs à viande pourrie de La Nuit des
Morts Vivants
et des monstres consuméristes de Zombie (1978). Ces deux films constituant les deux premiers épisodes d’une trilogie (ou d’une quadrologie, si l’on
compte Le Jour des Morts Vivants (1985) non officielle que Land of the Dead vient conclure, il est ainsi intéressant de constater cette évolution
d’autant que les vrais monstres pointés ici du doigt sont les mondains et les financiers, qui sont en l’occurrence représentés sous une apparence bien humaine. On peut dès lors mieux
comprendre ce changement de représentation chez Romero pour qui les morts-vivants seraient désormais la métaphore d’une population victime d’un système, ce qui se
confirme dès lors que le leader des zombies est … noir. Et on reconnaît bien là Romero en humble défenseur, à ces heures, des minorités (les femmes tiennent également une
bonne place dans le film), mais surtout grand détracteur d’une certaine caste bourgeoise. Et on ressent d’ailleurs un certain plaisir pris par le réalisateur lorsque que les zombies
viennent à dévorer ces derniers.

Certes, tout ceci n’est pas très finaud (voire un peu gratuit) et il ne faut pas oublier que le film privilégie l’action. Reste que ce nouveau titre de
Romero vient un peu remettre les points sur les i dans un genre qui part un peu dans tous les sens. Et, tout en réinventant le genre qu’il a lui même crée, il reprécise
bien que les morts-vivants au cinéma sont aussi un moyen pour faire de belles métaphores. Puisse-t-il être entendu …

Réalisateur : George A. Romero
Avec Simon Baker, Asia Argento, Dennis Hopper…
Scénario : George A.
Romero
Directeur de la photographie : Miroslaw Baszak

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