[Cours en ligne] L’Image Mouvement de Gilles Deleuze – Chapitre 2

Chapitre 2 : Cadre et Plan, Cadrage et découpage

1. Définitions, cadrage, cadre et hors-champ
Le cadrage est la détermination d’un système (relativement) clos qui comprend tout ce qui est présent dans l’image : personnages, décors, accessoires = parties sont elles mêmes
en image. ( Cf. « objets-signes » chez Jakobson ou « cinèmes » chez Pasolini).

Le cadre ( 5 aspects)
1. nous apprend que l’image ne se donne pas seulement à voir mais aussi à lire. Le cadre est inséparable de deux tendances, à la raréfaction (Antonioni, Ozu) ou à la saturation (Wells, Wyler,
Altman..). Il faut savoir décrypter une image ( pédagogie de l’image chez Godard).

2. considéré en lui même, il est tantôt une construction géométrique11 conçue comme une composition d’espaces en parallèle et diagonales qui préexiste à ce qui vient s’y inscrire, tantôt une construction
dynamique
12 dépendant de la scène, de l’image, des personnages
et des objets qui la remplissent.

3. considéré dans la nature de ses parties, il est encore soit géométrique (= figures, optique et lumière géométrique, effet de symétrie, cadres seconds, tierces…) soit dynamique (= induit des
ensembles flous, graduations physiques)13

4. se rapporte à un angle de cadrage. Les points de vue suivent généralement des règles pragmatiques qui les justifient. Exception faite des « décadrages » ( Cf. Bonitzer).

5. le hors-champ. Il y a deux écoles :

Un ex d’ opposition :

Renoir = l’espace et l’action excède les limites du cadre qui n’opère qu’un prélèvement sur une aire.
Hitchcock = le cadre opère un enfermement de toutes les composantes.

Pour Deleuze, il ne suffit pas de distinguer un espace concret et un espace imaginaire du hors-champ (Cf. Noël Burch) : c’est en lui-même que le hors-champ a déjà deux aspects qui
diffèrent par nature :

– un aspect relatif par lequel un système clos renvoie dans l’espace à un ensemble qu’on ne voit pas, qui peut à son tour être vu, quitte à susciter un nouvel ensemble non-vu, à l’infini. Dans ce
cas le Hors-champ désigne ce qui existe ailleurs, autour ou à côté (rapport actualisable avec d’autres ensembles).

– Un aspect absolu par lequel le système clos s’ouvre à une durée immanente au tout de l’univers, qui n’est plus un ensemble et qui n’est pas de l’ordre du visible. Dans ce cas il témoigne d’une
présence plus inquiétante14 (Rapport virtuel avec le tout).

2. Définition, Plan et découpage

Le découpage est la détermination du plan

Le plan :

– Il est la détermination du mouvement qui s’établit dans le système clos. Le mouvement à deux faces : il est rapport entre parties (il modifie les positions respectives
des parties d’un ensemble, qui sont comme ses coupes, chacune immobile en elle-même = mouvement relatif) mais aussi affection du tout ( il est lui même la coupe mobile d’un tout dont il
exprime le changement = mouvement absolu)

Le plan a comme deux pôles :
1. par rapport aux ensembles dans l’espace où il introduit des modifications relatives entre éléments ou sous-ensembles ;

2. par rapport à un tout dont il exprime un changement absolu dans la durée.

D’où la situation du plan qu’on peut définir abstraitement comme intermédiaire entre le cadrage de l’ensemble et le montage du tout.
– Le plan, considéré comme une conscience15, trace un mouvement qui fait que
les choses entre lesquelles il s’établit ne cessent de se réunir en un tout, et le tout, de se diviser entre les choses (le dividuel).
– Le plan, c’est l’image mouvement, et le propre de celle-ci est d’extraire des véhicules ou des mobiles le mouvement qui en est la substance commune, ou d’extraire des mouvements la mobilité qui
en est l’essence.
L’image-mouvement = mouvement pur extrait des corps et des mobiles. Ce n’est pas une abstraction mais un affranchissement.
– Pour Epstein, le cinéma donne un relief dans le temps, une perspective dans le temps : il exprime le temps lui-même comme un relief. Le plan est une coupe mobile, càd une perspective
temporelle
ou une modulation.

C’est la différence entre l’image photographique ( = « moulage », coupe immobile) et l’image cinématographique ( = moule variable, continu, temporel qui enregistre les modulations).

« Le cinéma se moule sur le temps de l’objet et prend l’empreinte de sa durée ( Bazin) ».

3. L’unité de plan

Au temps de la caméra fixe :
le cadre = point de vue unique et frontal qui est celui du spectateur sur un ensemble invariable

Le plan = détermination uniquement spatiale ( « tranches d’espace »)

Le mouvement = n’est pas dégagé pour lui-même et reste attaché aux éléments ( perso, choses) qui lui servent de mobile ou de véhicule.

Etat primitif du cinéma = image en mouvement et non image-mouvement.

L’image-mouvement s’est constituée progressivement sous deux formes :
– par la mobilité de la caméra : le plan devient mobile16

– par le montage

L’unité de plan peut se définir de façon multiple par :
– un mouvement continu de la caméra, quels que soient les changements d’angle ou de points de vue. Ex : travelling

– une continuité de rapport de plans fixes et de plans mobiles

– un plan de longue durée fixe ou mobile (plan séquence) avec profondeur de champ ( non plus une simple superposition de tranche parallèle indépendante – toutes étant seulement traversées par un
même mobile – mais une interaction entre les différents niveaux du plan17.

– Une « mise à plat » des différents cadres = absence de profondeur, superposition, enfoncement18.

– Le faux-raccord, comme manifestation du tout. Ce n’est ni un raccord de continuité, ni une rupture ou une discontinuité dans le raccord, c’est une dimension de
l’ouvert. Il réalise l’autre puissance du hors-champ, il est l’acte même du tout.

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