[Cours en ligne] L’écriture Documentaire

Ecriture : inscription dans le matériau d’une démarche de composition. Agencements artificiels d’éléments dont la finalité peuvent être autre que le sujet présenté.

Démarche documentaire : nous fait réfléchir sur le monde. Le cinéma documentaire peut aussi raconter.

Cinq axes fondamentaux :
– observer ;

– interviewer ;

– commenter ;

– citer ;

– mettre en scène.

Un discours documentaire procède de l’une ou l’autre ou de toutes ces opérations.

Introduction : Le montage documentaire.

C’est le fait de combiner tous les axes fondamentaux, qui sont les matériaux de base. Un film documentaire s’écrit au montage : composition. C’est ce qui le distingue radicalement du film de fiction. Accumulation considérable de rushes, à cause de la baisse du coût de tournage. Il faut donc tailler. Environ 99% de ce qui est filmé ne sera pas utilisé. Le réel n’offre pas de deuxième prise. Il n’y a pas de geste plus important au montage que l’élimination, faire des choix. Mais ce sont des choix difficiles lorsqu’on a tourné les images soi-même. Il faut toujours un regard extérieur pendant le montage, confier le montage à quelqu’un d’autre, sans pour autant que ce soit le monteur qui fasse le film. Ce choix d’un autre monteur pour avoir un regard extérieur est du car le cinéaste n’aura jamais assez de recul par rapport à ses images.

Le film documentaire s’écrit au montage et est donc un dialogue entre le cinéaste et le monteur. Dans l’histoire du documentaire, le monteur est un proche du cinéaste (Slilova était la femme et la monteuse de Dziga Vertov)..
L’homme à la caméra, Dziga Vertov
, 1928. 

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Extrait : point commun entre les deux segments et le gestes féminin, pour montrer l’épanouissement de la femme soviétique : soins corporels, geste d’usine (cigarette, standard téléphonique)

Activités manuelles.


Première phrase de montage est construite sur une figure de montage : montage parallèle, entrelacement des plans, montage sériel. C’est un entrecroisement de séries thématiques. L’alternance est à la base d’un nouveau langage cinématographique. La série dominante ici est le geste de beauté.
A chaque fois, il y a une jeu poétique avec un plan qui rappelle le même geste que dans la vie quotidienne. Ces gestes là, c’est le montage qui les rapproche.
Manucure en rapport avec montage et le cireur en rapport avec la manivelle de la caméra.
Le montage est un artisanat ave ses gestes manuels : la coupe et la collure.


Seconde phrase de montage : la série cinéma devient la série de référence, c’est le point de comparaison qui devient référent.
Plan avec mouvement de caméra sur les deux ouvrières, reprend le sujet du même plan : méthode constructiviste.


Troisième phrase de montage : circulation – paquets de cigarettes – caisse enregistreuse- journaux.
Leur point commun est la relation. Mais aussi la progression : on passe du boulier à la caisse enregistreuse pour calculer le profit.
Machines qui produisent en série : rotatives d’impression des journaux.
Idée de productivité par montage alterné.


Quatrième phrase de montage : le montage métrique : mesure de la pellicule au millimètre près, chaque plan a une durée qui est parfaitement calculée. Alternance entre maison et visage de l’ouvrière qui fait les paquets de cigarettes.
Effet d’accélération au fur et à mesure de la phrase à cause de la diminution de la longueur des plans.
Cela donne l’idée de la performance de l’ouvrière très productive et apparaît comme une héroïne du travail (Stakhanov
2)


Cinquième phrase de montage : Cigarettes dans le paquet en rapport avec le standard téléphonique.
C’est une façon de généraliser l’idée de productivité par l’accélération et l’entrelacement des deux gestes différents.


Sixième phrase de montage : ici il n’y a plus vraiment l’alternance mais plutôt synthèse des gestes manuels très divers en montage ultrarapide.

On finit par Slilova dans la salle de montage qui pose des bouts de bobines sur une étagère. Juste avant, ayant vu des ouvrières très performantes, on nous montre ici la monteuse comme quelqu’un de performant aussi.

Le premier plan est le clavier d’une machine à écrire, c’est un plan récurent qui donne l’idée que chaque lettre est un plan et les étagères sont la métaphore de la machine à écrire. La dactylo du film c’est la monteuse et l’écriture du film documentaire se retrouve dans son geste.

L’écriture est une exécution, un geste, une inscription à travers le matériau cinéma d’une idée d’une pensée.

 

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Le Plus Fiche Réal’

Dziga VERTOV (1895-1954)




Très marqué par le futurisme de Maïakovski, Denis Kaufman prend le pseudonyme de Dziga (« toupie » en ukrainien) Vertov (dérivé du russe vertet, « tourner, pivoter »). Passioné par la musique, montant sons et bruits divers empruntés au réel et il fonde, en 1917, le Laboratoire de l’ouïe. Mais c’est l’image et le cinéma qui vont guider sa carrière.


Rallié avec enthousiasme à la Révolution, il se met, en 1918, à la disposition du Comité du cinéma de Moscou et devient rédacteur en chef et monteur du Kino-Nédélia (« Ciné-Semaine »). Dans une quarantaine de ces journaux filmés, il expérimente un montage fondé sur le mouvement, qu’il poursuit, faute de pellicule vierge, dans des films de montage, dont il est le pionnier. Sa double formation artistique et scientifique fait de lui un inlassable expérimentateur. Dès 1919, il expose dans le manifeste « kino-glaz/ciné-œil » une succession de réflexions théoriques à la façon des futuristes, marqué par les mots clés : « kino-pravda/ciné-vérité », « vie à l’improviste »… Sa pensée théorique est, de ce fait, peu aisée à cerner, d’autant qu’elle a varié au fil des années et que la pratique du cinéaste est souvent loin de lui correspondre. Le point central et invariable de cette pensée est le refus du « ciné-drame artistique » (avec scénario, studio, décors, acteurs), nouvel « opium du peuple » auquel il reproche d’« hébéter et de suggestionner » le spectateur.


En 1923, il décrit ainsi le cinéma :

" Je suis un œil. Un œil mécanique. Moi, c’est-à-dire la machine, je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir. Désormais je serai libéré de l’immobilité humaine. Je suis en perpétuel en mouvement. Je m’approche des choses, je m’en éloigne. Je me glisse sous elles, j’entre en elles. Je me déplace vers le mufle du cheval de course. Je traverse les foules à toute vitesse, je précède les soldats à l’assaut, je décolle avec les aéroplanes, je me renverse sur le dos, je tombe et me relève en même temps que les corps tombent et se relèvent… Voilà ce que je suis, une machine tournant avec des manœuvres chaotiques, enregistrant les mouvements les uns derrière les autres les assemblant en fatras. Libérée des frontières du temps et de l’espace, j’organise comme je le souhaite chaque point de l’univers. Ma voie, est celle d’une nouvelle conception du monde. Je vous fais découvrir le monde que vous ne connaissez pas. "


Puis :

« Le cinéma dramatique est l’opium du peuple.

A bas les rois et les reines immortels du rideau. Vive l’enregistrement des avants-gardes dans leur vie de tous les jours et dans leur travail !

A bas les scénarios-histoires de la bourgeoisie. Vive la vie en elle-même !

Le cinéma dramatique est une arme meurtrière dans les mains des capitalistes ! Avec la pratique révolutionnaire au quotidien nous reprendrons cette arme des mains de l’ennemi.
Les drames artistiques contemporains sont les restes de l’ancien monde. C’est une tentative de mettre nos perspectives révolutionnaires à la sauce bourgeoise.

Fini de mettre en scène notre quotidien, filmez-nous sur le coup comme nous sommes.
Le scénario est une histoire inventée à notre propos, écrite par un écrivain. Nous poursuivons notre vie sans avoir à la régler au dire d’un bonimenteur.

Chacun de nous poursuit son travail sans avoir à perturber celui des autres. Le but des Kinoks est de vous filmer sans vous déranger.

Vive le ciné-oeil de la Révolution ! »

  1. « Nous, afin de nous différencier de la meute de cinéastes ramassant pleinement la saleté des poubelles, nous nommons les " Kinoks ". Il n’y a aucune ressemblance entre le " cinéma réaliste des Kinoks " et le cinéma des petits vendeurs de pacotilles. Pour nous, le cinéma dramatique psychologique Russe-Allemand lourd de souvenir infantile ne représente rien d’autre que de la démence. Nous proclamons les films théâtralisés, romanisés à l’ancienne ou autres, ensorcelés.
  2. Ne les approchez pas !
  3. N’y touchez pas des yeux !
  4. Il y a danger de mort !
  5. Ils sont contagieux ! Nous pensons que l’art du cinéma de demain doit être le reflet du cinéma d’aujourd’hui. Pour que l’art du cinéma survive, la " cinématographie " doit disparaître. Nous voulons accélérer cette fin. Nous sommes opposés à ceux que beaucoup appèle le cinéma de " synthèse ", mélangeant les différents arts. Même si les couleurs sont choisies avec soin, le mélange de couleurs affreuses donnera une couleur affreuse, on ne peut obtenir le blanc. La véritable union des différents arts ne pourra se faire que quand ceux-ci auront atteint leur apogée. Nous nettoyons notre cinéma de tout ce qu’y s ‘y est insinué, littérature et théâtre, nous lui cherchons un rythme propre, un rythme qui n’ait pas été chapardé ailleurs et que nous trouvons dans le mouvement des choses. Nous exigeons : à la porte
  6. Les étreintes exquises des romances
  7. Le poison du roman psychologique
  8. Les griffes du théâtre amoureux
  9. Le plus loin possible de la musique. Avec un rythme, une évaluation, une recherche d’outils propres à nous même, gagnons les grandes étendues, gagnons un espace à quatre dimensions (3 + le temps).
  10. L’art du mouvement qu’est le cinéma ne nous empêche en aucun cas de ne pas porter toute notre attention sur l’homme d’aujourd’hui. Le désordre et le déséquilibre des hommes autant que celui des machines nous font honte. Nous projetons de filmer l’homme incapable de maîtriser les évolutions. Nous allons passer du lyrisme de la machine à l’homme électrique irrécusable. En dévoilant l’âme de la machine, nous allons faire aimer le lieu de travail de l’ouvrier, le tracteur de l’agriculteur, la locomotive du machiniste… Nous allons rapprocher l’homme et la machine. Nous formerons des hommes nouveaux. Cet homme nouveau, épuré de ses maladresses et aguerri face aux évolutions profondes et superficielles de la machine, sera le thème principal de nos films. Il célèbre la bonne marche la machine, il est passionné par la mécanique, il marche droit vers les merveilles des processus chimiques, il écrit des poèmes, des scénarios avec des moyens électriques et incandescents. Il suit le mouvement des étoiles filantes, des évènements célestes et du travail des projecteurs qui éblouissent nos yeux ».


Le principe du ciné-œil repose sur l’idée que la caméra, « œil plus parfait que l’œil humain », enregistre des faits, mais est dirigée par une pensée qui choisit le sujet et organise les prises de vues préalablement au tournage ; d’où l’idée du montage ininterrompu et la formule : « Le montage précède le tournage. » Le ciné-œil ne court pas, comme le lui reproche Eisenstein, « derrière les choses telles qu’elles sont », mais procède à un « ciné-déchiffrement communiste du monde ».

Comme la réalité dans la dialectique marxiste, le mouvement du montage est conçu comme contradiction. La perspective de Vertov est doublement pédagogique : analyse et explication du monde et, par la méthode des « intervalles » consistant à renforcer les ruptures qu’introduit le montage, désignation de ces contradictions à un spectateur devenu actif, qui dispose ainsi des moyens de procéder à sa propre analyse du réel, voire de devenir cinéaste lui-même.


Sources :
http://histoiredesarts.9online.fr/Vertov.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Dziga_Vertov


1 Cf. annexe 1.

2 Dans la nuit du 30 au 31 août 1935, l’ouvrier Aleksei Stakhanov extrait 105 tonnes de charbon en 6 heures de travail de la mine Irmino du bassin houiller de la rivière Donets. La norme est alors fixée à 7 tonnes. La propagande de Staline encourage les Soviétiques à suivre son exemple. Des portraits de l’ouvrier modèle son affichés dans toutes les entreprises du pays et des systèmes de récompenses sont organisés pour stimuler les travailleurs

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