[Cours en ligne] L’auto-documentaire !

L’auto documentaire

« Une certaine tendance du cinéma documentaire contemporain ».
François Truffaut.


C’est une façon de filmer un cinéma qui raconte à la première personne, centré sur l’auteur, un cinéma du moi. Depuis une dizaine d’années, le cinéma d’auteur est centré sur le nombril du cinéaste (= cinéma autocentré).
Ex : Varda, Godard, Ackermann, Dieutre, Marker…

Le territoire de l’auto documentaire, entendu comme l’inscription du cinéaste dans son film. Il y a une révolution copernicienne du cinéma documentaire. Cette auto mise en scène de l’auteur n’est pas propre au cinéma, idem pour le théâtre et le roman. Fait sociologique : demande du public de « récits de vie ».

Distinction entre posture et teneur du cinéma documentaire :

La posture auto-documentaire.
= l’auteur incarne l’instance discursive.

Concrètement, comment l’auteur peut se placer comme l’instance conductrice, comme le personnage conducteur du film ? Quel rôle se donne t-il dans son film ? Comment le corps apparaît à l’image ? Est-ce sa voix qui apparaît dans le film ?

Quel rôle joue t-il ? (Un voyageur, un visiteur, un enquêteur, une glaneuse)
S’avance t-il masquer ?

Ex : HF Imbert à l’habitude d’être un enquêteur.
Agnès Varda est une glaneuse.
Max Ophuls se pose comme un journaliste d’investigation.
Michael Moore s’est construit un personnage de justicier.

Tous ces exemples ont un point commun : l’objectif du film. Ils ont un regard sur l’extérieur du monde de l’auteur. Ils ne sont pas indispensables au film donc ce n’est pas auto documentaire car la teneur ne vient pas de l’auteur, ils explorent le territoire du monde et pas le territoire du moi. Cependant, la posture est auto documentaire du point de vue de leur énonciation.

Extrait : La dame lavabo, A. Cavalier. 1987. (13’)

C’est une posture auto documentaire : un regard, une présence. C’est une description d’auteur.

Hors champs de l’image mais instructif dans son questionnement. Il est sur le seuil et même dans le placard. On sent que chaque plan est subjectif à la façon d’inscrire la caméra dans le regard. Il y a aussi une volonté objective. Ce n’est pas une voix over qui parle, c’est Alain Cavalier. Il s’implique. Ce film est donc aux antipodes de l’émission striptease (regard extérieur moqueur).

Alain Cavalier est dans l’interlocution, dans l’entretient, dans le dialogue. Il ne recherche pas à « arracher » des paroles, des séquences drolatiques. A propos de l’effet de présence, de l’effet d’adresse, on peut dire que c’est une inscription en creux mais insistante.

On peut essayer de caractériser chaque solution qu’à un cinéaste pour s’inscrire, habiter un film. Il y a un cinéaste qui le fait de façon paradoxale, c’est Chris Marker. Il s’avance, mais de manière masquée, toujours de manière indirect.

Extrait : Veillée d’arme, Marcel Ophüls.

C’est une démarche de cinéaste à l’inverse de la démarche médiatique. Sur tout le trajet, il y a des surimpressions qui viennent se greffer. Ophüls se construit un personnage (à la différence de Cavalier où il y a un écart entre cinéaste et personne).

Contamination du réel par la fiction : il y a plus de continuité entre la réalité et la fiction (cf. son chapeau Fellinien. Il joue le comique, le burlesque parfois). Il accompli ce qu’a fait son père auparavant. Il joue un personnage voyageur, enquêteur, ni un journaliste ni un cinéaste. Il se construit une posture.

La teneur auto documentaire 
= C’est le contenu du film.

Qu’est-ce qu’on peut identifier comme film auto centré ?

Ex : Vincent Dieutre
Extrait : Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, JLG.

C’est un film auto centré. Au contraire, l’apparition d’auto documentaire peut se dérouler sur une seule séquence du film. C’est un caractère plus ou moins partiel de l’auto centrage. Il y a des degrés dans la teneur autocentrée.

Il y a également une fonction thérapeutique du cinéma (sida, lutte contre la dépression) mais il ne suffit pas d’être personnel pour être original ou singulier.


Conclusion :

Les petits cinéastes sont pour beaucoup dans les postures auto documentaire et ont certainement généré un cinéma d’intimité. Mais ce n’est pas qu’une question d’outil. Cela résulte aussi d’un besoin de repères pour soi dans une société où les changements sont rapides (famille, classe sociale). Les gens ont besoin de faire retour dans leur histoire personnelle, de revenir à leur origine, de fixer leur image. Aider le sujet à réparer les failles : fonction thérapeutique ou réparatrice du cinéma (travail de deuil, lutte contre la dépression, journal de maladie).

En quoi les affects qui vont fonder notre démarche vont aussi générer du cinéma ?

Ce que prouve l’auto documentaire c’est qu’il y a une infinie richesse de forme, il transforme la matière personnelle en œuvre cinématographique.

 

Le plus : Fiche réal’

Alain Cavalier : Né à Vendôme le 14 septembre 1931. Élevé chez les Maristes et les Oratoriens. Vit trois ans en Tunisie sous le Protectorat. Licence d’histoire à la Sorbonne. IDHEC (8e promotion). Assistant de Louis Malle pour Ascenseur pour l’Échafaud (1957) et Les Amants (1958). Devient l’un des cinéastes les plus singuliers, libres et secrets du cinéma français. A déclaré : " Je ne suis pas documentariste. Je suis plutôt un amateur de visages, de mains et d’objets." Tient depuis plus de dix ans son journal vidéo.


Les deux séries de Portraits

A trois ans d’intervalle, en 1987 (juste après Thérèse, qui sort en 1986) puis en 1990 (donc trois ans avant Libera me, qui sort en 1993), Alain Cavalier a filmé avec une équipe légère deux séries de portraits de femmes au travail : 24 portraits en tout, dont 4 n’ont pas été diffusés (on les découvrira dans cette programmation intégrale). Porté par une forme allègre, délicatement hardie, méticuleusement respectueuse, cet ensemble constitue une belle leçon de vie comme de cinéma : " Mon désir est d’archiver le travail manuel féminin. Mon espoir est qu’entre le premier et le dernier portrait, ce soit aussi l’histoire du travail d’un cinéaste ", déclare Alain Cavalier.

Première série (1987)

1. La Matelassière" Tant que j’ai de la force, je travaille. Mon docteur, il me dit : " Vous mourrez au travail, Madame Bouvrais ". Et je le crois, parce que c’est ma vie, ça. "
2. La Fileuse
3. La Trempeuse
4. L’Orangère
5. La Brodeuse
6. La Dame-lavabo
" Ah ! Vous faites des rouleaux avec les papiers que je vois dans votre placard ? Parce que moi, on ne me voit pas, là, mais je suis dans votre placard ! "
7. La Canneuse
8. La Bistrote
9. La Relieuse
10. La Repasseuse
11. La Rémouleuse
12. La Maître-verrier

 

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Réalisation : Alain Cavalier

Images (16mm, couleur) : Jean-François Robin (1,3,4,7), Pierre-Laurent Chénieux (2,5,9,12), Jean-Noël Ferragut (6,8,10), Armand Marco (11)

Son : Alain Lachassagne (1, 3, 4, 7, 11), Philippe Combes (2, 9), Pierre Lorrain (6, 8, 10), Daniel Ollivier (5, 12)
Montage : Marie-Dominique Arto (2,3,4,9), Sophie Durand (6,8,10,11), Isabelle Dedieu (5, 12)

Assistant : Nicolas Friedrich
Saxophone : Jérôme Petitgirard
Producteur : Isabelle Pons
Production : Camera One, Douce et La SEPT, CNC, Ministère des Affaires étrangères, Havas
Durée : 11 mn (4,6,12) ; 12mn (1,4,10), 13mn (2,3,5,7,8,9,11)

Source : filmographie établie par Nicolas Schmidt pour Alain Cavalier, Études cinématographiques, n° 223-231, Lettres Modernes, 1994

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