Confinement, un Journal | Jour 24 : Praline : Origines

Selon mes voisins, la chatonne avait miaulé devant ma porte sans discontinuer, vers les quatre heures, un froid matin de décembre. Certainement fourbu de fatigue à cause d’une très grosse journée de travail devant et derrière le bar,  plongé dans un sommeil réparateur, je n’avais rien entendu. Ils prirent alors la demoiselle sous leur aile.

La petite tornade multicolore refit surface dans le jardin au printemps. A l’aide de plusieurs sources, voici son histoire racontée à la première personne.

Cette bande de races m’avait lâché en plein territoire Munchkin alors que j’avais pas un centimètre de griffes sur moi. Je crevais la dalle depuis deux heures, et cette fratrie devait s’égayer les cordes vocales vers la première vieille peau venue. Sûr qu’ils savaient vendre leur cul ceux-là, la queue gentiment en point d’interrogation et ronronnant comme une siamoise soumise au Salon des Animaux.

Du coup, j’étais carpette en train de me les geler en plein mois de décembre dans cette impasse du pauvre. Quand tu n’as que six semaines de vie, on va pas dire qu’on t’a filé la bonne place sur la ligne de départ.

Déjà, depuis ma naissance, je suis obligé me coltiner ce tas de branques toute la journée, la madre tenant à ce que l’on soit sevré avant d’aller se les dégourdir ailleurs, ça j’entends. Mais nous pondre en plein hiver ? Je suis pas climato-sceptique, mais le réchauffement c’est pas programmé pour cette année apparemment.

Bref, me voilà esseulée de ouf à devoir encore survivre. J’avise un portail au bout de l’impasse, comme je dois faire dix centimètres de haut, je passe tranquille et me rentre dans ce qui semble être un jardin, avec au bout, une petite maison. C’est bon signe ça.

C’est pas parfait du jojo dans le coin, mes petites pattes s’enfoncent tout de suite dans un tas de feuilles pas ramassées, aussi détrempées que froides. Mon instinct me dit de me barrer d’ici, mais comme je pèse environ cinq cent grammes, avec ce froid, il doit me rester que quelques heures à vivre. Bon, avec une baraque, tu multiplies tes chances ; parce que les digicodes d’immeubles… ben voilà quoi.

Donc, sans attendre, je donne du coffre devant la porte, je t’y mets tout ce que j’ai. On dirait que je fais ma première vente, qu’il faut que je me fasse remarquer, tu vois. D’un autre côté, ne pas vouloir crever avant d’avoir atteint son deuxième mois de vie, ça motive. 

Bon, au bout de cinq minutes à ce rythme, je me dis que c’est peut-être pas la meilleure idée au final. Je me remémore les feuilles pas ramassées, personne qui s’enquiert de la petite chatonne trop mignonne qui vient faire des vocalises… il n’y a peut-être bêtement personne là-dedans… 

Putain, mais je vais crever en fait, que je commence à me dire.

Du coup, rien à ronronner, je t’y mets les bouchées doubles. Là, je sors le grand jeu, on passe de Mozart à Wagner, ça te remplit l’espace, ça décolle dans le baroque ; pour rien y perdre, ça me réchauffe un peu au passage.

J’entends un bruit sur ma droite. Tiens, une autre baraque, j’avais pas vu. Un peu de lumière, des voix qui murmurent des trucs. C’est pas le moment de faire sa mijaurée, je te sors quelques miaulements qui te feraient sortir un billet de dix balles direct à la sortie du tram. 

Une autre lumière s’allume un peu plus loin. Ah mais merde, il y avait genre une autre porte, c’est moins le bordel devant : un plus, meilleur signe quoi. Je me dis qu’à quatre heures du mat’, je vais pas me flageller le dos parce que je suis passée à côté.

Ca approche de l’humain, ils sont deux, ils ont l’air gentil, bien maléable comme je les aime. Je leur sors un petit “mrou” timide, comme ça ça va craquer grave de la CB pour aller me chercher des croquettes junior à la première heure demain.

On me prend dans les bras, on se dirige vers la lumière, il fait bon tout d’un coup, je me réchauffe. J’en oublie quand même pas mes besoins vitaux, je me cache derrière la gazinière pour aller pisser.

***

L’hiver a passé, je me suis habitué au rythme de cette nouvelle maison. Je passe pas mal de temps à la fenêtre, à observer tu vois. C’est bientôt le printemps et j’ai avisé une petite clientèle, la maison d’en face est bien habitée finalement, et pas qu’un peu. 

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A suivre – Jour 25 : Les infiltrés

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