Confinement, un Journal | Jour 15 : Survie Polaire

Le printemps est arrivé il y a dix jours maintenant, pourtant le froid est revenu sur le pays, impitoyable. 

Ainsi coincé, confiné, loin de tout secours, nous, résidents de l’Amazing Bicoque, tentons de survivre.

Voici maintenant douze heures que nous combattons le froid. Gros Chat Gris a tenté une percée à l’extérieur pour récupérer du bois. Près de la gazinière éteinte, Lemmy et Tofu se tiennent serrés pour échanger leur chaleur corporelle. 

Mes mouvements sont entravés, j’ai du mal à réfléchir, il le faut pourtant. Si nous nous endormons ici, le réveil n’est pas garanti. Tout à ces réflexions, je remarque que des flocons de givre sont apparus sur la fourrure des enfants, il en est de même pour ma barbe qui a bien poussé depuis le début du confinement.

Personne ne s’attendait à une baisse si rapide des températures. Hormis les soirées plus frisquettes, les semaines passées avaient bénéficié d’une météo splendide. Sans nous poser de questions, nous avons coupé les radiateurs et nous sommes peu souciés des bulletins météorologiques.

Nous nous sommes faits surprendre pendant la nuit. Tofu n’a pas fermé la fenêtre du bas. Sans pitié, le froid a pénétré l’Amazing Bicoque.

Je tente de me réchauffer les articulations des mains en les frappant l’une contre l’autre… Il nous faut agir maintenant. 

Je propose à mes compagnons de tenter une montée à l’étage. Avec de la chance, là-haut nous pourrons trouver les couettes qui nous permettraient de tenir la nuit. 

Lemmy me répond que c’est de la folie, il va faire nécessairement plus froid en hauteur. Il propose plutôt de s’aventurer dans le jardin pour creuser un terrier et faire le gros dos en attendant que ça passe. 

Gros Chat Gris en revient justement, les pattes vides. Il nous explique que c’est l’enfer dehors, le soleil est pratiquement couché et la température descend à vue d’oeil. De plus, il n’a pas pu récupérer de bois à cause du manque de branches à couper, de scie et de pouce préhenseur. 

Nous observons un silence de quelques secondes, que rompt Tofu en demandant si nous ne ferions pas mieux de rallumer les radiateurs. 

Avec une aussi étonnante que soudaine énergie, je m’exclame que ce serait une folie de faire cela. Comment prendre cette décision insensée, à l’orée du mois d’avril ? Au prix de l’électricité ? Avec la baisse actuelle des salaires ? 

Tofu se renfrogne. Je vois Lemmy me juger du regard. Pour lui, cela confirme une nouvelle fois à quel point je suis le soldure du grand Capital.

Ce n’est pas le moment de se lancer dans la dispute. Afin de ménager un semblant de démocratie, je demande à Lemmy combien de temps lui prendrait l’édification d’un terrier pour nous abriter tous. Après un bref calcul, il me répond qu’il pourrait rendre un projet viable en environ quinze jours.

A part l’idée de jeter l’argent par la fenêtre, Gros Chat Gris et Tofu n’ont pas de meilleure idée à proposer. C’est décidé, nous allons grimper.

Il fait maintenant quasiment nuit, nous n’y voyons pas à un mètre. Il est évidemment hors de question d’allumer la lumière du bas, il nous sera impossible de redescendre l’éteindre avant demain matin et ça coûtera encore des sous.

Heureusement, les quelques diodes de veille des appareils ménagers nous permettent de nous orienter un minimum, nous commençons à nous diriger vers les escaliers pour entamer l’escalade.

Nous avançons lentement, un pas après l’autre. Le froid, la fatigue et la faim me font un peu délirer. Seul l’espoir de trouver le reste d’une tablette de chocolat dans la table de chevet à côté du lit me donne l’énergie de ne pas m’allonger au sol et attendre la fin.

Sauver les enfants aussi bien sûr. Ils sont derrière moi, nous faisons front malgré les dissensions internes. Si l’un de nous tombe, c’est toute l’équipe qui se retrouvera en péril.

Je suis bien entendu premier de cordée, l’avantage et l’inconvénient d’être l’humain du groupe. Derrière moi est attaché Tofu, qui peut marcher ainsi plus facilement dans chacun de mes pas. Ensuite vient Lemmy, qui se trouve à la plus mauvaise place : en étant avant-dernier, le lapin nain se trouve à la merci des erreurs des personnes de devant, comme de celles de derrière. Enfin, Gros Chat Gris ferme la marche. Je l’ai placé à cet endroit stratégique pour son expérience et son sang froid ; en cas de péril, je sais qu’il prendra la bonne décision.

Nous nous élançons.

La nuit est totale, je suis obligé de tâter, pour vérifier chaque marche de l’escalier avant de pouvoir la franchir. Nous ne sommes pas privés que de la vue : le froid a aussi anesthésié le toucher et fait disparaître l’odorat ; le son blanc du frigo est, lui, à peine coupé par celui de nos respirations courtes.

Dans l’inconnu, seuls, raccordés par la volonté d’aller un peu plus haut, nous montons lentement, hagards. Signe du destin, j’entends un bref bip-bip venant de l’étage.

Je reconnais ce bruit, mon radio réveil nous indique qu’il est minuit, je devrais me coucher normalement. Mais il s’agit moins d’arriver à avoir une bonne nuit de sommeil que d’y survivre !

Nous continuons l’ascension. Le temps tel que nous le connaissions a disparu, il se compte en marches maintenant.

A SUIVRE…

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A suivre – Jour 16 : Survie Polaire, Chapitre 2


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